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décrits avec tant de compassion et de détails que parce qu’ils sont la copie exacte de ce que George Sand eût elle-même à souffrir à l’époque où elle commença l’Histoire de ma Vie. C’est pour cela que nous considérons ce chapitre, non comme une biographie proprement dite de Mme Dorval, mais plutôt comme un document purement psychologique et autobiographique important pour la biographie de George Sand elle-même. Nous y reviendrons dans l’analyse de l’Histoire de ma Vie.

Marie Dorval, une belle et bonne âme en principe, avait une vie remplie de toutes sortes de vicissitudes ; son tempérament passionné, la liberté des mœurs théâtrales en faisaient une amie dangereuse pour le jeune femme de vingt-sept ans, qui, après des années de rêverie et de mysticisme passées au couvent et à Nohant, se trouvait transplantée à Paris, comme elle le dit elle-même « avec des idées très arrêtées sur les choses abstraites à mon usage, mais avec une grande indifférence et une complète ignorance des choses de la réalité… ». Et voilà pourquoi Marie Dorval, cette âme honnête, naïve et ardente, eût une influence si pernicieuse sur Aurore Dudevant, que nous n’osons même pas l’approfondir.

L’époque où ces deux femmes se connurent fut fatale à George Sand. Tout en elle était en fermentation ; ses croyances antérieures s’écroulaient, avaient été l’une après l’autre mises à l’épreuve, ses espérances étaient déçues. Le passé était triste, le présent désolé, l’avenir sombre. Et à peine eût-elle rompu avec Sandeau, que le cœur malade, meurtri, désespéré, l’âme désenchantée, la tête hantée des idées les plus noires, les plus sinistres, elle chercha l’oubli et la consolation dans une nouvelle liaison, inexcusable, incroyablement passagère. Presque sans amour, sans trop savoir elle-même pourquoi, elle se donna