Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces mêmes relations paisibles devenaient hostiles, il est certain que le malaise moral dont elle souffrait depuis le commencement de l’année s’accentua tout à coup. Le 20 août, à peine arrivée à Nohant, elle écrivait à Rollinat qu’elle désirait le voir et lui proposait de faire une partie de plaisir avec d’autres amis à Valençay, ou bien d’aller elle-même le retrouver chez lui à Châteauroux, et, comme toujours dans sa correspondance avec ses amis, elle décrivait ses préparatifs pour « ce voyage autour du monde » de la manière la plus humoristique.

Aurore avait fait la connaissance de M. Rollinat père et de sa nombreuse famille, en 1831, mais elle s’était surtout liée d’amitié avec François Rollinat, une amitié tout exceptionnelle, toute particulière, quelque chose hors de l’ordinaire, l’idéal des relations humaines. C’était une absolue et constante pénétration réciproque de pensées et de sentiments, une presque entière identité d’idées et de tendances, une entente mutuelle à demi-mots, l’absence complète de discordance et de dissentiment en quoi où à propos de quoi que ce fût, en un mot, François Rollinat fut l’alter ego de George Sand, son double moral.

Et voilà que deux jours après le billet que nous venons de mentionner, George Sand écrivait le 22 août, à ce même Rollinat : « Je n’irai point à Valençay, je n’irai point à Châteauroux, j’irai peut-être au cimetière »…[1] et elle l’invitait à venir la voir au plus vite à Nohant. Ce billet de quelques lignes, écrit négligemment et d’une écriture nerveuse, témoigne par sa seule vue du triste état d’esprit, dans lequel Aurore Dudevant se trouvait alors. Toutes ses autres lettres de la fin de cette année sont également

  1. Inédit.