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les folies, pourvu qu’elles fussent voilées, d’autre part pour complaire à sa mère, désireuse de se débarrasser au plus vite de sa fille. Dans ses promenades à travers les forêts du Berry — reproduisant évidemment celles de l’auteur lui-même — il arrive à Valentine de faire la connaissance de Bénédict. Ce fils de paysan, petit jeune homme à grandes ambitions, ce chercheur d’idéal, en révolte contre la modestie de son sort oui ne répond pas à l’élévation de son âme, est assez désenchanté, mais souffre surtout de son inactivité. Somme toute, c’est un pastiche de René et des héros de Victor Hugo, mais en même temps, un personnage ressemblant beaucoup à certains jeunes gens de l’entourage d’Aurore. En réalité, c’est une nature passionnée, sans convictions arrêtées, un caractère faible dont les actions dépendent plutôt du hasard que d’intentions déterminées ; c’est aussi un prototype de tous ces nombreux « jeunes premiers » prolétaires de George Sand qui s’éprennent d’amour pour des demoiselles nobles : de tous ces Simon Féline, Pierre Huguenin, Henri Lemor, etc. Les deux jeunes gens s’éprennent l’un de l’autre. La naissance de l’amour de Valentine pour Bénédict, la lutte entre l’amour et le devoir, la triste histoire de la jeune femme, victime des préjugés de caste et de la morale reçue qui exige la fidélité de la femme à son mari, même lorsqu’il n’existe aucun amour ni aucune sympathie entre les époux ; d’autre part, la position tragique du jeune homme sorti du peuple, supérieur par le développement de son âme et de son esprit aux représentants de la haute société qui l’entoure, périssant uniquement pour avoir osé aimer une jeune patricienne, toutes les péripéties de ce drame sont peintes avec un élan poétique et une inimitable finesse d’analyse psychologique. La tragédie de la passion des deux jeunes