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Cependant, par l’immixtion non sollicitée de personnes étrangères[1], les relations entre les époux s’aigrissent et Delmare en vient aux « actes ». Il enferme sa femme et essaye de la terrifier par la souffrance physique en lui meurtrissant les mains, lorsqu’elle refuse de répondre. Alors, exaspérée, elle se décide à aller demander aide et protection à Raymon. Celui-ci fait, à cette occasion, preuve de son égoïsme, de sa pusillanimité devant l’ « opinion » et d’un triste manque de cœur. Il prêche la morale courante sans se rendre aucun compte de la responsabilité que lui impose la possession d’une âme qui s’est abandonnée à lui. Son amour pour Indiana s’est déjà refroidi. La trouvant dans sa chambre en rentrant d’un bal, il est uniquement soucieux, non d’unir son sort au sien, mais de la faire rentrer « décemment » chez elle pour la sauver des conséquences de sa démarche « insensé ». Il ne trouve rien de mieux à faire que d’appeler sa mère, afin de calmer la malheureuse jeune femme et de la faire retourner au foyer conjugal. Indiana est d’abord comme pétrifiée en voyant son bonheur subitement écroulé à tout jamais. Cruellement déçue par l’homme qu’elle avait aimé, elle rassemble ses dernières forces et part seule, refusant la protection de Mme de Ramière. Quasi folle, appelant la mort, elle erre au jour levant par les rues désertes. Sauvée du suicide par Ralph, elle suit avec une docilité apathique et machinale son mari à l’île Bourbon où l’appellent ses affaires.

Faible et égoïste qu’il est, Raymon ne la laisse pourtant

  1. Remarquons que l’aigreur entre les Delmare se produisit pendant leur séjour près de Melun, et rappelons-nous les scènes qui se passèrent entre les Dudevant (voir p. 240-242), lorsqu’en 1824, ils étaient les hôtes de Roettiers Duplessis, dans le voisinage de Melun.