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l’abandonnant pour faire un mariage avantageux et suivre une carrière parlementaire (comme Aurélien de Nancé dans la Fille d’Albano) — George Sand avait voulu dépeindre sa triste vie conjugale, son roman manqué avec de Sèze et la consolation qu’elle a trouvé dans l’amitié. Remarquons, à ce propos, que l’un des intimes amis d’Aurore Dudevant, son voisin de Nohant, Jules Néraud, avait donnée à la jeune romancière des cahiers de notes et de descriptions du Madagascar et de l’île de la Réunion, où il avait passé quelque temps, poussé au loin à la fois par son amour pour la botanique et l’amour qu’il portait à son élève de Nohant. Car, — tout comme son prédécesseur, Stéphane de Grandsagne, l’ex-professeur d’histoire naturelle d’Aurore, — Jules Néraud était tombé sous le charme « des grands yeux noirs », à la suite de quoi il y eût des scènes orageuses de jalousie entre lui et sa femme[1].

George Sand mit à profit les descriptions de la luxuriante nature des îles, qu’elle avait lues et copiées dans le journal du Malgache comme elle appelait Néraud[2]. Elle fait faire la

  1. On voit, par les lettres inédites d’Aurore Dudevant à son mari, datées de Paris des 10, 13 et 15 décembre 1827, qu’elle ne s’abusait nullement sur les véritables motifs qui avaient amené le départ de Néraud, et avec autant d’humour que de bonhomie, elle raconte les scènes de jalousie que lui faisait sa femme. On trouve encore des allusions à cet épisode dans une lettre inédite à Néraud lui-même, du 10 décembre 1834, et enfin, George Sand raconte le même fait « à mots couverts » à Everard (Michel) dans le n° VI des Lettres d’un Voyageur. Les lettres inédites de Jules Néraud à G. Sand, que nous avons en la chance de parcourir, confirment de tous points le récit que George Sand fait à Michel, et dans l’Histoire de ma Vie, à propos de la malheureuse passion, vite apaisée du reste, que son professeur de botanique ressentit pour elle.
  2. L’amitié de George Sand pour Néraud dura toute sa vie. Chacun de ses chagrins ajouta un nouvel élan, s’exprimant dans des lettres sincères et confiantes, et dans leurs conversations. Cette amitié resta inébranlable à travers toutes les catastrophes de leur vie. Les numéros IV (adressé en partie à Rollinat) et IX des Lettres d’un Voyageur, sont consacrées à Néraud ; il est également parlé de lui dans le n° VI et dans