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elle y répond par un redoublement d’animosité, de méfiance et de haine. Non contente de cela, elle fait part à Montgenays des conseils de Laurence, ce qui l’exaspère encore davantage contre la jeune femme. Après quelques nouvelles ruses, aussi malheureuses que la première, pour conquérir l’amour de Laurence, par haine et par vengeance, il séduit Pauline, après l’avoir brouillée avec sa protectrice, et installée dans un grenier où elle gagne à peine sa vie en s’occupant de couture. Montgenays, dont l’amour-propre et le désir de paraître est le seul mobile, finit par épouser Pauline pour étonner le monde par son désintéressement. Mais il se venge sur elle de son insuccès, et la vie extérieurement brillante qu’il lui fait mener est un véritable enfer. Pauline se console par la pensée qu’elle est enviée des autres femmes et qu’elle l’a emporté sur sa prétendue rivale, Laurence, qu’elle croit jalouse de la savoir mariée à son ancien adorateur. Consolation digne de cette nature insignifiante ! Le roman finit par ces mots : « Beaucoup de vertus tiennent à des facultés négatives. Il ne faut pas les estimer moins pour cela. La rose ne s’est pas créée elle-même, son parfum n’en est pas moins suave, parce qu’il émane d’elle sans qu’elle en ait conscience ; mais il ne faut pas trop s’étonner si la rose se flétrit un jour, si les grandes vertus domestiques s’altèrent vite sur un théâtre pour lequel elles n’avaient pas été créées ».

Et dans la petite préface, que nous avons déjà reproduite en partie, George Sand dit encore : « La morale du conte, s’il faut en trouver une, c’est que l’extrême gêne et l’extrême souffrance sont un terrible milieu pour la jeunesse et la beauté. Un peu de goût, un peu de poésie, ne seraient point incompatibles, même au fond des provinces,