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était devenue une célébrité, un nom. Cette année de 1831 clôt la vie d’Aurore Dudevant. George Sand apparaît, et c’est ce nom que nous lui conserverons désormais. Dans les chapitres précédents, nous avons tâché de montrer quels traits héréditaires, quelles impressions d’enfance et de jeunesse, quelles observations froides de l’esprit et tristes remarques d’un triste cœur[1] ont contribué à former la nature et le caractère d’Aurore Dupin-Dudevant ; nous y avons donné le portrait de la femme, nous allons maintenant faire la même chose pour l’écrivain. Tout en racontant les événements de sa vie privée, nous indiquerons les étapes successives de son évolution et les éléments sous l’influence desquels s’est agrandie et modifiée sa personnalité d’écrivain.

Nous avons déjà attiré l’attention du lecteur sur la période de développement latent et inconscient qu’Aurore eut à traverser depuis l’enfance jusqu’au moment où, dit-elle, « Je compris que de tous les petits travaux dont j’étais capable, la littérature proprement dite était celui qui m’offrait le plus de chances de succès comme métier, et, tranchons le mot, comme gagne-pain ». Cette période « latente » rappelle les métamorphoses du papillon depuis le moment où il sort de l’œuf, jusqu’au moment où, déjà un papillon in potentia, sous forme de cocon, il reste suspendu dans quelque coin caché aux yeux. La faiseuse de romans « entre quatre chaises » ; l’écriveuse de « résumés historiques et de descriptions poétiques » ; l’arrangeuse de Molière sur la scène du couvent ; l’auteur mystique du roman sentimental sans amour, approuvé par les amies de couvent et par son cousin René et de la Mar-

  1. Vers de Pouchkine déjà cité.