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si étroitement liées l’une à l’autre et tellement soumises à l’influence de ses idées (ou plutôt au développement d’une seule idée) qu’il est impossible d’omettre un fait de sa vie sans perdre aussitôt le fil du développement progressif de ses idées qui, seul, peut nous faire comprendre son œuvre.

Théoriquement et par conviction, George Sand est l’ennemie du principe de « l’art pour l’art » ; de fait, elle est l’ennemie de l’impersonnalité et du calme. C’était une nature toute poétique, une âme de feu. De là ses brillantes qualités et ses grands défauts, de là ses traits particuliers d’écrivain, qui, pendant sa vie, ont empêché ses contemporains et empêchent aujourd’hui encore les critiques et les lecteurs, de la juger impartialement. Critiques et lecteurs se partagent nettement en deux camps : celui de ses admirateurs et celui de ses détracteurs. (Les indifférents n’existent pas ; s’il y en a, ce sont des gens qui ne l’ont pas lue et qui ne la connaissent que par ouï dire.) Déjà, Julien Schmidt[1] a judicieusement fait remarquer que George Sand, qui eut des admirateurs passionnés et d’amers critiques (bittere Tadler), a rarement rencontré une appréciation exempte de partialité. Ses admirateurs l’acceptent telle qu’elle est, avec tous ses défauts qu’ils regardent même souvent comme de grandes qualités, tandis que ceux qui n’approuvent pas sa manière d’écrire (ihre Art und Weise) ne veulent voir rien de bon en elle.

Caro, qui a écrit ses études sur George Sand trente ans après Julien Schmidt, dit que la passion avec laquelle on jugeait autrefois l’illustre écrivain, s’est éteinte, que le calme s’est fait, que l’on a même complètement oublié la

  1. Julian Schmidt : « Geschichte der franz. Litteratur seit der Révolution von 1789. » Leipzig 1858. 2 volumes ; vol. II, p. 505.