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m’en lave les mains. Il faut que les noms connus passent avant moi. C’est trop juste. Patience donc. Je travaille à me faire inscrire dans la Mode et dans l’Artiste, deux journaux du même genre que la Revue. C’est bien le diable si je ne réussis dans aucun.

« En attendant il faut vivre. Pour cela je fais le dernier des métiers, je fais des articles pour le Figaro. Si vous saviez ce que c’est ! Mais on est payé sept francs la colonne et avec ça on boit, on mange, on va même au spectacle, en suivant certain conseil que vous m’avez donné. C’est pour moi l’occasion des observations les plus utiles et les plus amusantes. Il faut, quand on veut écrire, tout voir, tout connaître, rire de tout. Ah ! Ma foi, vive la vie d’artiste ! Notre devise est liberté !

« Je me vante un peu pourtant. Nous n’avons pas précisément la liberté au Figaro. M. de Latouche, notre digne patron (ah ! si vous connaissiez cet homme-là !) est sur nos épaules, taillant, rognant à tort et à travers, nous imposant ses lubies, ses aberrations, ses caprices. Et nous, d’écrire comme il l’entend ; car, après tout, c’est son affaire, nous ne sommes que ses manœuvres ; ouvrier-journaliste, garçon-rédacteur, je ne suis pas autre chose pour le moment[1] !… »

Deux jours plus tard, le 6 mars, Mme  Dudevant communique à Duvernet qu’enfin elle a eu du succès. La Molinara parue dans le Figaro du 3 mars sans nom d’auteur, fit une grande impression, intéressa vivement les lecteurs, et tout le monde voulut savoir qui avait écrit l’article. Le 5 mars parut la Vision, écrite par Jules Sandeau, mais corrigée par Aurore Dudevant, et, dans le même numéro une Bigarrure,

  1. Correspondance, vol. I, p. 165-167.