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mot) ; ceux qui ne m’aiment pas du tout disent que j’aime Sandot et Fleury à la fois ; ceux qui me détestent, que Duvernet et vous, par-dessus le marché, ne me font pas peur. Ainsi, j’ai quatre amants à la fois. Ce n’est pas trop quand on a comme moi les passions vives. Les méchants et les imbéciles ! Que je les plains d’être au monde ! Bonsoir, mon fils, écrivez-moi. Et à propos, Sandot m’a chargé de le rappeler spécialement à votre souvenir. Il vous aime, cela ne m’étonne pas. Aimez-le aussi, il le mérite ».

Si, comme on le voit, tout le monde dans cette petite société était lié d’amitié, il y avait deux de ses membres, les deux Jules, qui étaient tout particulièrement chers à Aurore : Boucoiran et Sandeau. Dans le chapitre précédent nous avons vu que c’est à Boucoiran qu’Aurore, avant tout autre, avait communiqué les détails de sa catastrophe de famille et de la résolution qu’elle avait prise de quitter le toit conjugal. Elle ne s’éloigne de Nohant qu’après avoir reçu de Boucoiran la promesse de diriger l’éducation de ses enfants pendant ses absences. Les lignes que nous venons de citer nous apprennent, d’autre part, que les calomnies de la Châtre lui donnaient déjà alors Sandeau pour amant. La médisance anticipait beaucoup sur les faits, car les rapports entre Aurore et Sandeau ne devinrent intimes que beaucoup plus tard[1].

À l’époque où Aurore Dudevant quitta son mari, ses rapports avec Sandeau n’étaient encore que purement amicaux, un peu « bohèmes » comme nous l’avons dit plus haut, quoique plus intimes qu’avec les autres jeunes gens de son

  1. Dans une lettre à Émile Regnault elle dit sans détour : « Pendant trois mois… je lui ai résisté… » (Défense de George Sand par Henri Amic, « Lettres à Émile Régnault », le Figaro, 9 novembre 1896.)