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sance. À peine remise, un nouveau coup vint la frapper, sans qu’elle s’y attendît le moins du monde. Le sort lui préparait une porte de sortie pour la faire s’évader de sa vie pénible et douloureuse ; le drame qui durait depuis plusieurs années dans la famille des Dudevant allait arriver à son dénouement. Un événement tout à fait inattendu vint mettre sous Les yeux d’Aurore, que son sacrifice d’elle-même, sa longue patience, son pardon des offenses étaient non seulement inappréciés par Casimir, mais qu’il les payait d’une haine qui n’avait absolument aucun fondement. Le 3 décembre 1830, Aurore Dudevant écrit à Boucoiran : « Sachez, qu’en dépit de mon inertie et de mon insouciance, de ma légèreté à m’étourdir, de ma facilité à pardonner, à oublier les injures, sachez que je viens de prendre un parti violent… Personne ne s’est aperçu de rien. Il n’y a pas eu de bruit. J’ai simplement trouvé un paquet à mon adresse, en cherchant quelque chose dans le secrétaire de mon mari. Ce paquet avait un air solennel qui m’a frappée. On y lisait : Ne l’ouvrez qu’après ma mort. Je n’ai pas eu la patience d’attendre que je fusse veuve. Ce n’est pas avec une tournure de santé comme la mienne qu’on doit compter survivre à quelqu’un. D’ailleurs, j’ai supposé que mon mari était mort et j’ai été bien aise de voir ce qu’il pensait de moi durant sa vie. Le paquet m’étant adressé, j’avais le droit de l’ouvrir sans indiscrétion, et, mon mari se portant fort bien, je pouvais lire son testament de sang-froid. Vive Dieu ! quel testament ! Des malédictions, et c’est tout. Il avait rassemblé là tous ses mouvements d’humeur et de colère contre moi, toutes ses réflexions sur ma perversité, tous ses sentiments de mépris pour mon caractère. Et il me laissait cela comme un gage de sa tendresse ! Je croyais