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des lettres, sous le nom de George Sand. En suivant avec attention les lettres d’Aurore à Zoé et surtout à Aurélien — celles-là par les réponses d’Aurélien et les allusions de Zoé — on y trouve tous les éléments qui constituent la physionomie morale et avant tout, la physionomie littéraire de George Sand. Parfois, on croirait lire les pages de ses futurs ouvrages. Telle est, entre autres, la lettre, sous forme de journal, écrite en petits cahiers et envoyée à Zoé, en 1827, sous le titre de Voyage en Auvergne ; telle encore la lettre, adressée à Zoé le 26 juin 1826, dans laquelle Mme Dudevant écrit déjà presque littéralement ce qu’elle répète plus tard dans ses Impressions et Souvenirs (n° 1) et où elle nous entretient de son union avec la nature, de ce que parfois elle se sent « pierre gisant au bord du chemin, clair de Lune, oiseau, fleur », tout ce qui existe et vit. Ces pages — des plus profondes et des plus charmantes de la plume de George Sand — tout imprégnées de calme, d’harmonieuse beauté, de mûres conceptions et d’hellénisme, et attestant le grand calme qu’après tant de tempêtes et d’agitations recouvra cette grande âme dans la contemplation et la compréhension de la nature ; ces pages apparaissent comme une conception déjà ancienne dans l’esprit de l’écrivain.

Remarquons encore que, dans ses lettres, Aurore se montre toujours comme une femme « en révolte » et Aurélien comme un homme qui s’efforce de la ramener au calme. Elle soulève des questions alarmantes, religieuses, politiques, philosophiques, sociales, — il lui répond d’une manière pacifiante, en tâchant de la retenir dans de justes mesures, ennemi qu’il est de toute opinion extrême, de tout ce qui est vulgaire. Et il est intéressant de voir Aurore se dégager peu à peu de l’influence de son ami. D’audi-