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veau. Elle continua aussi à s’occuper d’histoire naturelle, non plus avec Stéphane de Grandsagne, mais avec son ami nouveau, ce bon Jules Néraud qu’elle avait surnommé « le Malgache » après le séjour qu’il avait fait aux îles de la Réunion et de Madagascar. Soucieuse de travailler le plus possible et désireuse d’aider son mari que ses affaires appelaient souvent soit à Bordeaux, soit à Paris, elle avait pris en mains, en 1826, la gérance du ménage : « Les soins domestiques, dit-elle, ne m’ont jamais ennuyée, je ne suis pas de ces esprits sublimes qui ne peuvent pas descendre de leurs nuages. Je vis beaucoup dans les nuages, certainement, et c’est une raison de plus pour que j’éprouve le besoin de me retrouver plus souvent sur la terre[1]… » Ces occupations domestiques ne durèrent pas longtemps. « Économe en tout, comme cela m’était recommandé, je n’arrivais qu’à me pénétrer de l’impossibilité d’être économe sans égoïsme en certains cas ; plus j’approchais de la terre, en creusant le petit problème de lui faire rapporter le plus possible, plus je voyais que la terre rapporte peu, et que ceux qui ont peu ou point de terre à bêcher ne peuvent pas exister avec leurs deux bras. Le salaire était trop faible, le travail trop peu assuré, l’épuisement et la maladie trop inévitables. Mon mari n’était pas inhumain et ne m’arrêtait pas dans le détail de la dépense ; mais quand, au bout du mois, il voyait mes comptes, il perdait la tête et me la faisait perdre aussi, en me disant que mon revenu était de moitié trop faible pour mes libéralités et qu’il n’avait aucune possibilité de vivre à Nohant et avec Nohant sur ce pied-là. C’était la vérité ; mais je ne pouvais prendre sur moi de réduire au strict nécessaire l’aisance de ceux que

  1. Histoire de ma Vie, t. IV. p. 61.