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sa mère). L’année suivante, 1830, elle se rendit pour quelque temps à Paris pour consulter un oculiste sur un mal d’yeux dont elle avait sérieusement souffert au printemps et en été. Elle avait pris avec elle son petit Maurice. Un an auparavant, le 2 septembre 1829, par l’entremise de Duris-Dufresne, elle avait pris Jules Boucoiran comme gouverneur de son fils. Ce jeune homme sympathique resta plusieurs années à Nohant, et fut l’ami de toute la famille, surtout de Maurice et d’Aurore. Plus tard, après s’être établi dans le Midi, où, avec le temps, il était devenu rédacteur en chef du Courrier du Gard, il garda toujours avec eux les relations les plus intimes, leur écrivit souvent et, en 1836, il vint exprès du Midi pour être témoin au procès de Mme Dudevant. À cette époque de sa vie, Mme Dudevant s’était liée d’amitié avec plusieurs jeunes gens du Berry et leurs familles, amitié qui dura tant qu’elle vécut, et qu’elle reporta sur leurs fils et petits-fils. Outre Dutheil et sa femme, et la famille Duvernet, il y avait Les Fleury, les Decerfz, Jules Néraud, Gustave Papet, Planet et, dans la suite, toute la famille Rollinat. Voilà pour les faits extérieurs pendant ces cinq années.

Tout cet intervalle de temps semble s’être passé tranquillement et sans que le moindre événement ait troublé la surface unie de cette vie provinciale, presque mesquine, dans laquelle les soucis de l’été, dont le plus grave était de rentrer à temps les foins, faisaient place aux préoccupations de l’hiver, les bals et les dîners… Mais de fait, il en fut tout autrement. Tout ce temps fut rempli, pour Aurore, par de secrètes luttes intérieures, des souffrances morales si profondes qu’on peut, à juste titre, s’étonner de la force d’âme qu’elle devait posséder pour recevoir chez elle tout ce monde, pour leur jouer des quadrilles, s’occu-