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plète. Quel personnage était ce Desgranges et quelles sortes de relations s’établirent entre lui et Dudevant, c’est ce que nous fait comprendre la lettre[1] suivante d’Aurore à son avoué Accolas, que Michel de Bourges s’était adjoint dans le procès en séparation… « Le fait le plus important est celui d’un vaisseau acheté en 1828. M. Dudevant était entre les mains d’un escroc, appelé Desgranges, qu’il avait assez peu connu dans sa jeunesse et qui l’accapara en lui faisant boire du vin de Champagne, à la suite d’un dîner où les actionnaires virent le portrait lithographié d’un fort joli brick de commerce. Chacun signa suivant sa capacité. M. Dudevant en fut pour 25 000 francs. Pendant deux ans il fut très tourmenté par les lettres de change qu’il avait signées. Quand il eut bien payé le tout, on apprit que le navire n’avait jamais existé. M. Dudevant avait été armateur in partibus ».

Toutes ces opérations pécuniaires et autres, appelaient souvent Casimir à Bordeaux, et Aurore était sans doute ravie lorsqu’elle pouvait l’y accompagner. Les rapports les plus amicaux s’étaient déjà établis entre elle et son ami de Bordeaux, mais quelle différence entre leur amitié poétique et les relations prosaïques entre Casimir et Desgranges ! Ces deux amitiés contribuèrent cependant, chacune de leur côté, à séparer de plus en plus les deux époux.

Aurore se prit d’une grande affection pour le vieux Dudevant. C’était un homme juste et cordial, un peu emporté, mais un bon cœur. George Sand nous dit qu’elle aurait voulu passer toute sa vie auprès de lui, qu’il aurait probablement su la défendre contre les tempêtes conjugales qui empoisonnèrent sa vie de famille. Elle ajoute que, mal-

  1. Inédite.