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mais dont vous craindriez d’effleurer le vêtement immonde, tant qu’il y aura ce contraste révoltant d’une épouvantable misère, résultat de votre luxe insensé, et des millions d’êtres, victimes de l’aveugle égoïsme d’une poignée de riches, vos fêtes feront horreur à Satan lui-même, et votre monde sera un enfer qui n’aura rien à envier à celui des fanatiques et des poètes !… »

Plus loin, après avoir indiqué plusieurs palliatifs, peu efficaces du reste, contre le mal, George Sand ajoute, en s’adressant de nouveau à Flammèche : « Mais, diras-tu, faut-il mettre le feu aux hôtels ou fermer la porte des palais ? Faut-il laisser croître la ronce et l’ortie sur les marbres, aux marges de ces fontaines ? Faut-il que la beauté revête le sac de la pénitence, que les artistes partent pour la Terre sainte, que les arts périssent pour renaître sous une inspiration nouvelle, que la société tombe en poussière, afin de se relever comme la Jérusalem céleste des prophètes ? Tout cela serait bien inutile à conseiller, lutin, et encore plus inutile à entreprendre sans lumière et sans doctrine. Un élan nouveau et subit de l’aumône catholique ne remédierait à rien, pas plus que certains essais de transaction pratiqués entre l’exploiteur et le producteur, conseillés aujourd’hui par les prétendues grandes intelligences du siècle. L’aumône, comme la transaction, ne sert qu’à consacrer l’abandon du principe sacré et imprescriptible de l’égalité. Ce sont des inventions étroites et grossières, au moyen desquelles on apaise hypocritement sa propre conscience, tout en perpétuant la mendicité, c’est-à-dire l’abjection et l’immoralité de l’homme, tout en prolongeant l’inégalité, c’est-à-dire l’exploitation de l’homme par l’homme. La doctrine est faussée par ces tentatives, il faut une autre science basée sur la