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d’Aurore à son mari qui nous le raconte, lettre inédite jusqu’à présent, mais fort connue depuis le procès de 1836, et dont nous avons déjà parlé plus haut. Dans cette longue lettre qui compte plus de vingt pages, Aurore raconte d’abord brièvement l’histoire de son désaccord intime avec son mari, qu’elle explique par la trop grande dissemblance de leurs natures, puis elle avoue, avec candeur et simplicité, son amour pour Aurélien, disant la lutte qui s’était produite dans son cœur, la victoire qu’elle avait remportée sur sa passion ; elle rappelle ensuite à Casimir la scène des adieux que le mari avait surprise à Bordeaux lors de leur retour et avant son départ pour Nohant, scène qui devait le rassurer complètement sur les résolutions prises par Aurore et Aurélien quant à l’avenir, et finit par demander à son mari, comme à son meilleur ami, aide et secours. Plus tard, lors du procès entre les deux époux, des fragments de cette lettre furent lus, devant le tribunal, par l’avocat de Dudevant. Mais quand, après cela, l’avocat d’Aurore, Michel de Bourges, lut à son tour la lettre en entier, de la première ligne à la dernière, l’impression produite sur tout l’auditoire fut incroyable, foudroyante. L’extraordinaire grandeur d’âme qui se dégageait de chaque mot de cette lettre, écrite dans une langue digne des meilleures pages d’Indiana et de Jacques, les descriptions des Pyrénées tracées sous les fraîches impressions qu’elle y avait ressenties et étonnantes de poésie et d’éclat, la candeur touchante que révélait chaque mot, firent que les armes que les adversaires avaient voulu employer contre Mme Dudevant ne servirent qu’à lui faire remporter une pleine et éclatante victoire. Nous avons dû, en parlant de cette lettre, anticiper un peu sur les événements, mais le lecteur nous pardonnera, sachant qu’elle se