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souffrir. Il n’y a peut-être pas deux créatures humaines qui le sachent. La coupe de fiel n’est pas également amère pour tous, la plupart de ceux qui l’ont goûtée la repoussent et n’ont pas le courage de la savourer jusqu’à la lie. Il y a des êtres privilégiés, des esclaves de la fatalité qui semblent s’y plaire et n’en vouloir pas perdre une seule goutte ; vous les raillez pourtant d’avoir pris pour eux la triste part que vous leur avez laissée ».

Si nous ne pouvons, à notre grand regret, faire l’histoire du prologue et des débuts de ce premier roman dans la vie de George Sand, nous pouvons dire du moins, qu’Aurore, en aimant Aurélien de tout son cœur, et aussi en sachant tout l’amour qu’il avait pour elle, sut non seulement vaincre sa propre passion, mais qu’elle sut consoler son ami et ramener en lui le calme. Elle lui fit même jurer qu’il n’exigerait d’elle aucune preuve décisive de l’amour qu’elle avait pour lui, qu’il respecterait la sainteté de son mariage, qu’ils se contenteraient tous deux de rester toujours amis. Cette explication eut lieu entre les deux jeunes gens pendant une excursion dans les montagnes, peu de temps avant de quitter les Pyrénées.

De Bagnères, les Dudevant entreprirent une excursion aux célèbres grottes de Lourdes. Dans sa lettre de Bagnères à sa mère (du 28 juillet), elle écrit : « Nous avons été hier à six lieues d’ici à cheval, pour visiter les grottes de Lourdes. Nous sommes entrés à plat ventre dans celle du Loup. Quand on s’est bien fatigué pour arriver à un trou d’un pied de haut, j’avoue que l’on se sent un peu découragé. J’étais avec mon mari et deux autres jeunes gens avec qui nous nous étions liés à Cauterets et que nous avons retrouvés à Bagnères, ainsi qu’une grande partie de notre aimable et nombreuse société borde-