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la moindre bagatelle. Aurore écrit dans son journal : « J’ai pris de belles résolutions pour le voyage : ne pas m’inquiéter du moindre cri de Maurice, ne pas m’impatienter de la longueur du chemin, ne pas me chagriner des moments d’humeur de mon ami. »

Dans ce voyage aux Pyrénées, les Dudevant s’arrêtèrent momentanément à Bordeaux, où Casimir comptait une foule de parents et de connaissances. Ils y tombèrent dans une société très animée et très nombreuse et passèrent le temps très agréablement. Ils firent même beaucoup de nouvelles relations et renouvelèrent les anciennes amitiés. Ce fut là qu’Aurore fit la connaissance de l’avocat général Aurélien de Sèze[1] et Casimir se lia plus intimement avec un certain Desgranges qu’il connaissait depuis longtemps. Des rôles importants, bien que différents, étaient réservés à ces deux hommes dans la vie des Dudevant. De Bordeaux les Dudevant partirent, accompagnés de quelques nouveaux amis, en passant par Tarbes et Périgueux, et arrivèrent à Cauterets, où Aurore rencontra ses amies Jane et Aimée. Ses sombres pensées ne la quittèrent ni pendant tout le voyage, ni au début de son séjour à Cauterets. Son journal de route est plein de méditations, de ces « Tristes remarques d’un triste cœur », qui deviennent peu à peu de froides observations de l’esprit »[2] et poussent l’homme au désenchantement.

  1. Jean-Pierre-Aurélien de Sèze (ou Desèze), petit-fils du célèbre Romain-Raymond de Sèze, défenseur de Louis XVI, naquit à Bordeaux en 1799. C’était un avocat de talent qui, plus tard en 1848, fut élu député à l’Assemblée Nationale, où il siégeait à l’extrême droite. Il fut aussi membre de l’Assemblée Législative et prit part à la rédaction de la loi contre le suffrage universel. En 1851 il abandonna le parti triomphant et protesta contre le 2 décembre. Après cela il se retira de la vie publique et rentra dans la vie privée. Il mourut à Bordeaux le 23 janvier 1870.
  2. Un autre vers de Pouchkine.