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Prémord, qui, à son avis, fut trop tiède et trop indulgent pour une âme comme la sienne, assoiffée de croyance et de vérité absolues ; il conseilla à sa fille spirituelle d’aller de nouveau s’enfermer pour quelque temps au couvent, d’y faire, comme on le dit, « une retraite ». Elle suivit son conseil et alla d’abord seule, puis avec le petit Maurice[1], passer quelques semaines au couvent des Anglaises, où elle avait fait son éducation. Là non plus elle ne trouva pas la paix de l’âme. Ses relations avec ses amies, les bonnes religieuses, le couvent lui-même, la vie monastique ne la satisfaisaient plus. Ici la devise était renonciation à la vie, à ses joies comme à ses chagrins, à toutes les affections terrestres ; l’amour maternel même y paraissait à peine pardonnable. Aurore s’était trop développée depuis trois ans pour admettre ce point de vue. L’adoratrice de Rousseau et de Leibniz embrassait les choses trop largement pour se faire aux préceptes et aux exigences d’un catholicisme étroit et rigoureux. À cela vint s’ajouter encore qu’une des sœurs vint imprudemment et de l’air le plus indifférent du monde lui parler de la frêle santé de Maurice, qui n’aurait peut-être pas longtemps à vivre et qui était alors, pour Aurore, sa seule et unique consolation. Pleine de craintes, elle quitta le couvent pour consulter au plus tôt un docteur sur la santé de l’enfant. Celui-ci trouva que le petit Maurice était bien portant et ne donnait aucune raison de craindre pour sa vie. Le séjour d’Aurore au couvent avait été définitivement empoisonné par cet épisode. Elle n’y retourna plus et s’installa avec son

  1. Louis de Loménie rapporte cet événement, on ne sait pourquoi, à l’année 1828, en lui donnant en plus une couleur très romanesque. Il confond évidemment aussi le séjour au couvent avec une époque bien ultérieure, 1831, quand Aurore avait déjà quitté son mari.