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les affaires d’intérêt qu’ils eurent à traiter plus tard. Dans sa jeunesse, Dudevant n’était ni avare, ni ivrogne, ni coureur de filles de chambre et ne se permettait envers sa femme aucun des mauvais procédés qu’elle eut à supporter dans la suite, et même bientôt, hélas !

À peine étaient-ils établis à Nohant, qu’Aurore, devenue enceinte, se mit aussitôt avec amour et sollicitude à la confection de la layette, occupation toute prosaïque, mais tout imprégnée pour elle de poétiques espérances et de tendres rêveries. Jusque-là, elle n’avait jamais travaillé à l’aiguille, quoique sa grand’mère eût toujours trouvé que c’était un savoir nécessaire à toute femme. Maintenant, avec cet entrain qu’elle apportait à tout ce qu’elle faisait, Aurore se mit à confectionner des bonnets, des brassières, et atteignit bientôt une perfection extraordinaire dans la coupe et la couture, « une maëstria de coup de ciseaux », qu’elle conserva toute sa vie. C’était, sans doute, une faculté qu’elle avait héritée de sa mère. Ses amis et ses parents nous ont raconté que cette facilité de tailler et de coudre en quelques instants, soit une camisole pour l’un de ses propres enfants, ou pour l’un de ceux dont elle était toujours entourée, soit un manteau pour le théâtre de la maison, soit un costume entier pour la poupée de sa fille ou de sa petite-fille, que cette facilité à confectionner en un rien de temps et avec élégance, tantôt des vêtements nécessaires, tantôt les attifements les plus fantastiques, était vraiment surprenante. « Elle avait de petits doigts de fée, » disait un de ses vieux amis. Pendant l’hiver de 1822 à 1823, ces « petits doigts de fée » furent occupés à broder de minuscules bonnets ; cette occupation lui prenait tout son temps, elle en avait même oublié ses livres et ses cahiers.

Sa santé était cependant alors très mauvaise. Elle éprou-