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a toujours fait supposer aux biographes de George Sand et aux lecteurs de l’Histoire de ma Vie, que leur malheur remonte aux premiers temps de leur mariage. Mais c’est là une erreur. Quoique tout cela soit réellement arrivé, il ne faut rapporter ces faits qu’aux années 1824 et 1825, et surtout à 1827-1829. Entre 1822-1824, les relations entre les deux époux ont été non seulement les meilleures qu’on puisse imaginer, mais on a même toutes les raisons de croire qu’Aurore aimait véritablement son mari. Sans doute, ce n’était pas là une passion violente, et ce sentiment était bien différent de celui que George Sand éprouva plus tard pour Musset ou Michel de Bourges ; c’était un amour tendre, dévoué, sincère, un peu enfantin. Aurore témoignait à Casimir la sollicitude et l’amitié la plus sincère ; de son côté, il l’entourait de petits soins, lui témoignait de la cordialité, si toutefois on peut employer ce mot en parlant de Dudevant.

De dix-huit à vingt ans. Aurore n’était pas encore telle qu’elle le devint à vingt-sept, lorsqu’elle commença sa carrière littéraire. Entre 1822 et 1824, elle ne savait pas non plus ce que c’était que le véritable sentiment, l’amour vrai ; elle n’avait pas encore d’idées bien arrêtées sur ce que l’on peut exiger de soi-même et des autres ; elle n’avait pas la compréhension précise de ce qui constitue le véritable bonheur, la vie vraiment humaine avec son but et ses devoirs. Aurore s’ignorait : elle n’avait pas conscience des exigences de son cœur. Le besoin d’aimer venait de naître instinctivement en elle ; elle s’attacha de toute son âme d’enfant à son mari parce qu’il lui semblait bon et honnête. Il faut aussi reconnaître que Casimir ne laissait pas voir les défauts et les traits de caractère qui éclatèrent dans la suite, surtout lors du procès en divorce et dans