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et conserver quoi que ce fût, voilà peut-être quelle fut l’unique passion vive et réelle de cet homme nul et terne. Toutes ses autres occupations, ses plaisirs et ses habitudes : service municipal (il avait d’abord été maire de Nohant et plus tard de Guillery, propriété de son père, près Nérac), participation aux élections locales et aux préoccupations politiques, économie rurale, chasses, goût de la boisson, amourettes avec des femmes de chambre, etc., — c’était là le passe-temps ordinaire et le faible de tous les hobereaux de province. Le désir d’acquérir, de s’enrichir sans rien laisser glisser de ses mains, tel fut toujours le trail particulier, la passion dominante de Dudevant : d’année en année, cette passion devint de plus en plus forte chez lui. Dans la vieillesse elle se transforma même en une avidité honteuse, en avarice phénoménale, comiquement minutieuse, jusqu’à chicaner sur des riens sa femme déjà divorcée, et ses enfants sur des pots de confitures, ou des poêles de fonte à payer. — À cette époque, nous le répétons, Aurore Dupin ne sut pas distinguer en son futur mari cette passion de l’argent, et George Sand, dans son Histoire, n’a pas jugé nécessaire d’avouer ce qui, pour elle, ne fut plus tard que trop clair. Dans sa Correspondance nous trouvons une foule d’indices qui prouvent qu’elle ne l’ignora pas dans la suite. Quoi qu’il en soit, en 1822, Aurore avait toute confiance dans les sentiments « de son bon camarade » Casimir Dudevant et elle lui permit d’aller voir sa mère.

Aurore eut de nouveau à faire de la diplomatie et à ruser avec Sophie. Quand la mère sut de quoi il s’agissait, elle donna son consentement, puis refusa et enfin consentit. Longtemps, elle taquina Casimir, tantôt se fâchant contre lui, tantôt débitant sur son compte toute espèce