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cher le matin, se promenaient avec elle dans Paris, lui en montraient les curiosités, la menaient dîner chez les « Frères Provençaux » ou au « Café de Paris » et, le soir, au théâtre ou au cirque. Aurore ne les quittait pas, et sa véritable mère paraissait très contente d’avoir rejeté la tutelle de sa fille sur les Duplessis. Si elle s’était révoltée contre les Villeneuve, ce n’était pas qu’elle ne pût vivre sans sa fille, mais uniquement pour ne pas se soumettre à la volonté de sa belle-mère, même après sa mort.

Dans une de ces courses à Paris, pendant que les Duplessis et Aurore étaient à manger des glaces chez Tortoni « maman Angèle » dit à son mari : « Tiens, voilà Casimir ! » C’était un jeu ne homme de bonne mine, élancé, assez élégant, et dont les manières militaires trahissaient l’ex-officier. Il vint serrer la main aux Duplessis et parla de son père, le colonel Dudevant, dont on lui demandait des nouvelles et que toute la famille Duplessis aimait et estimait. Il prit place à table à côté de Mme Angèle et lui demanda à l’oreille qui était la jeune fille. « C’est ma fille, » répondit-elle tout haut. « Alors, c’est donc ma femme, continua-t-il tout bas. Vous savez que vous m’avez promis la main de votre fille aînée. Je croyais que ce serait Wilfrid, mais comme celle-ci me parait d’un âge mieux assorti au mien, je l’accepte, si vous voulez me la donner ! » Mme Angèle se mit à rire, mais cette plaisanterie fut une prédiction[1].

Quelques jours plus tard, Casimir arriva au Plessis, se joignit aussitôt à la société des jeunes gens et prit part à tous leurs jeux enfantins, ce qui plut beaucoup à Aurore. Il ne pensait pas même à lui faire la cour. Dès le premier

  1. Histoire de ma Vie, t. III, p. 420-421.