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dès son enfance, un penchant à la rêverie et au recueillement, mais les périodes de cette douce rêverie étaient souvent suivies d’une activité effrénée, d’une gaieté sans bornes. C’était comme si sa nature s’était révoltée contre ce sérieux qui n’est pas le propre de l’enfance, comme si elle avait voulu compenser les heures perdues par des semaines entières d’une gaieté folâtre, par des courses à travers champs à Nohant et dans les cloîtres du couvent. Dans les dernières années, les périodes de méditation étaient devenues continuelles, il n’était plus question d’amusements, elle n’en avait aucune envie. La vie qu’elle menait était trop rude pour elle. Lors de son dernier séjour à Paris, cette sombre disposition d’esprit l’avait jetée dans un tel désespoir qu’elle ne pensait plus pouvoir en sortir. Et voilà que cette visite au Plessis changeait tout d’un coup cet état de choses et rendait la pauvre jeune fille à la vie.

Sophie Dupin, qui n’aimait pas les longs séjours à la campagne, repartit pour Paris au bout de trois jours. Elle promit de revenir dans huit jours, mais, comme si elle était contente de ne pas avoir affaire à une fille aussi insupportable qu’Aurore, elle la laissa pendant plus de trois mois au Plessis. La jeune fille, de son côté, ne pensait nullement à rentrer chez elle. Avec toute la vivacité de sa nature ardente et toute la pétulance de sa jeunesse, elle se laissait entraîner par les amusements et la gaîté des jeunes gens qui l’entouraient.

On eût dit, à la voir infatigable aux jeux, qu’elle s’empressait de retrouver le précieux temps perdu. Elle était la première à imaginer toutes sortes de nouvelles espiègleries et de promenades, se mettait à la tête des plus jeunes et était le boute-en-train des plus âgés. Il n’y avait