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Caron — l’ami de tout le monde ; Eugène Sandré et une foule d’autres personnes, vieilles ou jeunes. Le baron Dudevant, colonel en retraite, venait souvent avec son fils naturel Casimir, jeune homme de vingt-sept ans, qui, après avoir servi deux ans dans l’armée, avait fait son droit à Paris[1].

La liberté, la gaieté et le sans-gêne régnaient dans cette nombreuse société, qui semblait ne former qu’une seule et même famille. Toute cette jeunesse, adolescents et bébés, ne faisant que courir les champs et les prés, se livrant à la joie la plus bruyante, les « parties de barres effrénées et d’escarpolette » alternaient avec le colin-maillard et le cache-cache ; puis venaient les danses, les cavalcades et les promenades.

Il eût été difficile de trouver quelque chose qui pût mieux plaire à la pauvre Aurore que ce que le sort lui envoyait au Plessis. Elle y trouvait ce qui lui avait toujours manqué, surtout depuis la mort de son père : la vie de famille amicale et calme et la saine gaieté de la jeunesse. Jusque-là elle n’avait assisté qu’à des querelles de famille entre son aïeule et sa mère ; elle n’avait connu que la solitude : à Nohant d’abord, entourée de ses livres, auprès de sa grand’mère moribonde, puis à Paris auprès d’une mère extravagante et quasi folle. Il n’est pas étonnant que cette vie eût plongé la jeune fille en de sombres pensées, et l’eût jetée dans un état d’apathie et d’accablement. Nous savons déjà, il est vrai, qu’Aurore avait,

  1. François-Casimir Dudevant naquit le 6 juillet 1795, au château de Guillery, commune de Pompiey (Lot-et-Garonne). En 1822, il était « licencié en droit et sous-lieutenant en non-activité ». La plupart des biographes de George Sand prétendent qu’Aurore Dupin avait épousé le « baron » Dudevant. C’est une erreur, car Casimir Dudevant n’avait pas droit à ce titre, étant fils naturel, et ne le prit qu’après la mort de son père, après avoir été, quelque temps auparavant, reconnu par le baron Dudevant.