Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passion. Ces lectures graves dirigèrent, à leur tour, cet esprit d’analyse vers des intérêts et des questions graves. Malgré leur désordre et leur manque de système ils développèrent étonnamment la jeune fille et en firent, avec le temps, une femme sérieuse et réfléchie. Pour le moment, cet esprit d’analyse lui montrait combien il y avait peu de similitude entre elle et sa mère. Voici ce qu’elle écrivait à René de Villeneuve, par rapport à ses luttes domestiques, dans une lettre datée de 1821 — il est à présumer que ce fut immédiatement après la scène dont nous avons parlé plus haut :


À Monsieur le comte René de Villeneuve,
rue de Grammont, Paris.
Jeudi soir (1821)

« Je ne veux pas perdre cette petite occasion de vous dire quelques mots, mon bien cher et bon cousin, avant le départ de mon groom, lequel est accompagné de Chlupon, qui va faire les délices ou le désespoir de ses compagnons de voyage. La journée a été odieuse. Un propos abominable, atroce, impudent, qui m’a été relaté ce matin, m’avait mise d’une humeur massacrante et d’un froid de glace. Pendant le déjeuner, on me signifie que Sophie fera la route avec André, vu qu’on n’a pas besoin d’elle pour voyager ni pour faire mes malles. Je désire, dis-je froidement, qu’elle m’accompagne. — Et moi, me répond une voix aigre, je désire qu’elle ne vous accompagne pas. Je veux trouver mon dîner et mon appartement tout prêts : et puisque je veux bien vous garder avec moi, je ne veux pas essuyer de privation, de gêne, etc., etc. À ces mots,