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avait énormément avancé dans ses idées, dans ses habitudes intellectuelles et dans ses rapports avec le monde ; elle s’était mise dans une position tout exceptionnelle. D’adoratrice aveugle de sa mère, elle était devenue l’amie et l’admiratrice consciente de sa grand’mère ; de rêveuse mystique — rêveuse libre-penseuse : d’ « eau douce et dormante » du couvent — amazone intrépide et jeune étudiant hardi et avide de sciences ; d’humble ouaille de l’Église, presque sœur converse — une révoltée contre l’opinion publique. Pendant ces dix-huit mois, trois traits fonciers de sa nature se manifestèrent, se formèrent et se développèrent définitivement chez elle : 1° la soif passionnée de s’instruire, de chercher la vérité, jointe à la rêverie et au désir de concilier ses connaissances et ses croyances avec ses actions et son régime de vie, afin que le tout fût en harmonie avec sa notion du monde entier ; 2° l’amour passionné de la liberté, de la vie libre au milieu de la nature, dans un mouvement continuel et une variété perpétuelle d’impressions extérieures ; 3° l’esprit d’indépendance et le courage de jouir de cette liberté, — « l’audace de son opinion » allant jusqu’au mépris de l’opinion publique et surtout du « qu’en dira-t-on ».

Nous ne croyons pas nous tromper en avançant que nous avons là tous les points de répère, tous les fils conducteurs de la vie future d’Aurore Dupin et d’Aurore Dudevant, et tout à la fois les Leitmotive de l’œuvre de George Sand.

Combien l’âme aimante de la grand’mère eût pu adoucir et éclairer tout cela, et que n’aurait-elle pas pu prévenir ! Mais la grand’mère était-elle encore là ? Non, hélas ! il n’y avait plus que son corps et ce corps était arrivé à sa dernière heure. La lucidité d’esprit qui lui était revenue pen-