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Aurore, cette fervente pratiquante, qui se confessait trois fois par semaine et avait coutume de s’entretenir presque chaque jour avec son directeur de conscience, rompit presque tout à fait avec l’Église romaine, tout en restant de cœur, comme par le passé, ardemment et profondément croyante. C’est à cette époque aussi, hélas ! qu’elle rompit hardiment avec l’opinion publique.

Les méchantes langues de La Châtre lui avaient déjà suffisamment montré qu’on ne doit pas se soucier du « qu’en dira-t-on ». Un « affront » que la soi-disant bonne société voulait lui faire à une fête de village pour la punir de l’appui moral qu’elle avait donné à une pauvre fille, l’édifia plus encore (cette fille lui servit sans doute de modèle pour sa Louise, sœur de Valentine). Cet « affront » ne reussit pas, grâce à l’intervention des jeunes villageois qui aimaient et estimaient Aurore. Cet incident inspira à celle-ci un profond mépris pour le « monde » et son jugement. Et, quoique nous soyons portés à croire que les dialogues à ce sujet entre Aurore et Deschartres, que George Sand a la complaisance de transcrire dans son Histoire, ont dû être écrits post facto, que c’est là, probablement, l’expression des opinions ultérieures de George Sand et non des causeries ayant réellement existé, ou, si elles ont existé, que les choses se sont passées autrement qu’elle ne le dit, il faut pourtant reconnaître que les sentiments hostiles de la société de La Châtre envers la jeune fille exercèrent sur sa vie une influence considérable. Dès cet âge la médisance et l’injustice qu’elle eut à endurer la firent entrer en guerre avec l’opinion publique qu’elle fut portée à confondre avec le « que dira le monde », et cette guerre, elle la continua, sinon, toute sa vie, au moins pendant de longues années. Comme il arrive toujours en pareil