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œil que Deschartres. Les commères de La Châtre furent choquées de la conduite « répréhensible » de la jeune fille. La chasse, l’équitation, les habits d’homme ! quelle horreur ! quel sujet de médire ! À tout cela vint s’ajouter encore l’arrivée à Nohant de René de Villeneuve. Aurore avait toujours aimé son cousin, qui frisait alors la quarantaine[1], et elle avait une grande prédilection pour sa fille Emma. Elle se prit maintenant d’une plus grande amitié encore pour cet excellent homme, délicat, plein d’esprit, lettré et d’une grande culture. Bonapartiste par conviction, aristocrate par sa naissance et ses alliances (sa femme était née de Ségur), il était tolérant au point de condescendre aux opinions et aux convictions les plus extrêmes ; il avait beaucoup de littérature, il savait par cœur des pages entières ; il aimait la nature, la lecture, la vie de famille à la campagne, et, par-dessus tout, les promenades à cheval et la causerie avec quelques amis de choix. Tous ces goûts s’accordaient avec ceux d’Aurore, qu’il chérissait sincèrement. Il la comprenait si bien que, dès 1821, il s’aperçut de son talent littéraire et lui conseilla, après avoir lu ses premiers essais, d’écrire des romans. Il était trop grand seigneur pour partager les préjugés et les appréciations étroites de La Châtre sur les habitudes et la conduite de sa

  1. Dupin de Francueil, second mari de Marie-Aurore de Saxe, qui avait épousé, comme nous le savons, en premières noces, le comte de Horn, fut aussi deux fois marié. De son premier mariage avec Mlle de Bouillaud où Bouilloud, il avait une fille qui épousa M. Vallet de Villeneuve. Elle eut deux fils, René et Auguste, grands amis du père de George Sand, leur oncle. Quoiqu’ils fussent du même âge que lui, ils s’amusaient à faire les respectueux et l’appelaient toujours « mon oncle », et plus tard, ils donnèrent à Aurore, leur petite cousine, le nom « ma tante ». C’est par eux que George Sand se trouva être en parenté avec les plus grandes maisons de France et quelques grandes familles de Russie : les La Roche Aymon, les Balbo, les Galitzin, les Ségur, les Guibert, etc., etc.