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qu’elle avait joué les rôles de Purgon et de Colin pour ne pas suivre avec plaisir ce conseil. Après avoir mis une blouse, des guêtres et une casquette, elle fit, avec Deschartres, la chasse aux cailles et aux coqs de bruyère. Aussitôt qu’elle eut quitté ses jupons brodés, Deschartres oublia qu’il avait devant lui une demoiselle et la traita avec la même familiarité, la même simplicité et les mêmes exigences, dont il usait autrefois avec le père d’Aurore, son ancien élève. Lorsque, bien des années plus tard, George Sand écrivit son roman Gabriel-Gabrielle, histoire d’une jeune fille élevée comme un jeune homme par un vieux précepteur et qui acquiert ainsi toutes les qualités viriles, — elle reproduisit bien des choses vues et vécues lors de ses parties de chasse avec Deschartres. Le portrait qu’elle fait du vieux Porpora dans Consuelo est encore indubitablement copié tout autant sur le critique de Latouche, ce mentor jaloux et despote qu’elle eut plus tard, que sur Deschartres, son vieux précepteur de jadis, grondeur et cuistre, mais au fond, tendre et aimant. Deschartres exerça sur son élève une énorme influence en l’élevant, non comme une demoiselle, mais comme un homme. C’est à lui, avant tout, qu’elle dut plusieurs de ses qualités morales et de ses habitudes, et surtout ses « vertus viriles » qui firent d’elle ce « parfait honnête homme » que nous admirons en George Sand. Ce fut le contrepoids de l’éducation du couvent, sans dire que ces promenades, tantôt à cheval, tantôt à pied, fortifiaient sa santé et l’habituaient au mouvement en plein air. Promenades, courses, mouvement, équitation, voyages, devinrent pour George Sand comme un besoin nécessaire quelle garda jusqu’à son extrême vieillesse.

Mais tout le monde ne voyait pas les choses du même