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âme tressaillit, ce fut pour elle comme une révélation ; elle fut touchée par la « grâce ».

Nous avons déjà eu l’occasion de dire que la soif des choses divines qui s’était manifestée chez Aurore, son besoin d’aimer, de croire en quelque chose qui fût toute bonté, toute puissance, qui s’éleva au-dessus des hommes et de leurs passions mesquines et égoïstes, au-dessus de leurs inconstances, le besoin de croire en quelque chose d’éternel, d’absolu, l’avait amenée à créer son Corambé. À cette heure, la Bonté suprême, l’Omnipotence, l’Éternel, l’Absolu même s’était soudainement révélé à elle, l’avait éclairée de sa lumière éblouissante et avait rempli son cœur d’une joie ineffable. Cette conversion subite ébranla et bouleversa sa jeune âme. Les doutes d’autrefois, les idées précoces et déplacées dans une tête de treize ans furent instantanément oubliés, sa vie prit une nouvelle direction, un autre sens. Il n’était pas dans le caractère d’Aurore d’aimer à moitié, elle s’adonna au bonheur de croire avec passion, avec entraînement, avec un entier oubli de soi-même.

Elle alla trouver son confesseur, l’abbé de Prémord, homme d’esprit et de cœur, et lui dit qu’elle ne s’était jamais, comme il le savait, dignement confessée, qu’en conséquence, elle n’avait jamais reçu de lui l’absolution, mais qu’elle le priait, vu sa conversion, de la confesser et de la réconcilier formellement avec l’Église. L’abbé de Prémord était un homme pénétrant, plein de finesse ; il était non seulement très habile à discerner le caractère. Les inclinations, le degré de développement de chacune de ses pénitentes, mais il s’entendait encore à diriger les âmes de ses ouailles conformément à leurs penchants et aux traits de leurs caractères. Il vit aussitôt à quelle âme sincère, profonde et sans frein il avait affaire, et qu’il devait agir avec