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Sand que lui avait légués son cher Berry où elle avait si longuement séjourné pendant son enfance et sa jeunesse[1].

En 1814 et 1815, Paris se trouvant occupé par les alliés, Marie-Aurore ne voulut pas quitter Nohant, et il semble qu’Aurore n’a vu que très peu sa mère en 1814. L’amour romanesque que lui portait l’enfant n’était pas encore à son déclin, mais, avec les années, il avait certainement revêtu un caractère plus paisible. La fillette avait déjà pu se convaincre que ses rêves enfantins et son désir de se réfugier à Paris, d’y vivre dans une mansarde, d’ouvrir, avec sa mère, un magasin de modes, portant, afin de blesser plus vivement l’amour-propre de la grand’mère, l’enseigne « Madame veuve Dupin. Modes », étaient complètement irréalisables. Sophie-Antoinette, qui s’était plu, dans le feu de la lutte avec sa belle-mère, à exciter, par de violentes attaques, l’enfant contre l’aïeule, et avait fait les plans les plus hardis d’une vie laborieuse en compagnie de sa fille, ne traitait plus ses anciens projets que de chimères, ou les avait peu à peu complètement oubliés. Elle ne témoignait plus aucune velléité d’encourager sa fille à fuir de chez sa grand’mère, ni à lui désobéir. La fillette s’aperçut bientôt aussi, lors des différents séjours de Sophie-Antoinette à Nohant, que l’amour de sa mère ne répondait pas au sien ; elle vit qu’elle aimait beaucoup plus sa mère que sa mère ne l’aimait. Sophie-Antoinette était de

  1. Maurice Cristal (Maurice Germa) dans son admirable article sur George Sand, dans le Musée des deux Mondes du 15 sept. 1876, signale avec beaucoup de finesse et de justesse cet élément de santé, de fraîcheur et de force que nous trouvons dans tous les écrits de George Sand, tout comme il pénètre sa vie personnelle, et il prétend que c’est la saveur du terroir, le « pouvoir de la terre » qui se manifestent ainsi chez George Sand. C’est une remarque aussi juste que profonde. L’article tout entier est des plus intéressants et des plus sympathiques. Nous y reviendrons encore.