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nullement qu’il y eût en elle un poète amer et désabusé. Qu’on se souvienne encore des récits de Pagello, s’extasiant sur l’inappréciable et vaillante ménagère, qu’était George Sand pendant son séjour à Venise. Qu’on se rappelle les diverses occupations auxquelles George Sand se consacrait pendant le séjour qu’elle fit à Majorque avec ses enfants et Chopin malade, obligée d’être à la fois cuisinière, femme de chambre, sœur de charité, pharmacienne et maîtresse d’école, dans un pays où il était impossible de se procurer tant soit peu de commodité ni le moindre confort. Qu’on se souvienne de tous les détails dont sont remplies ses lettres publiées ou inédites, et les souvenirs de ses amis des différentes périodes de sa vie, depuis le moment où elle peignit une tabatière pour Aurélien de Sèze, jusqu’au temps où, âgée de soixante-dix ans, elle cousait, sous les yeux de Henri Amic, des costumes pour le théâtre des marionnettes de son fils et des robes pour les poupées de ses petites-filles. Tout cela nous permet d’affirmer hardiment que cette infatigable femme de lettres, dont la fécondité littéraire surprenait tous ses contemporains, profitait de ses moments de loisir pour s’occuper des différentes besognes de son ménage, beaucoup plus peut-être que ne l’eût fait la plus banale maîtresse de maison, point du tout « lettrée ». Ces qualités, elle les devait, comme nous l’avons déjà dit, à sa mère et à sa grand’mère, qui ne lui permettaient jamais de rester oisive.

Mais en dehors de l’aversion commune de ces deux femmes pour l’inaction, tout était dissemblable dans leur nature, et les discordes entre elles étaient inévitables. Au début, les conflits furent rares, mais plus tard ils devinrent de plus en plus fréquents. Une sourde animosité se faisait