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chapeau ou de dîner au même restaurant, sans parler des repas à la maison qu’elle voulait toujours varier.

Un seul point commun existait entre ces deux femmes : — ni l’une ni l’autre n’était jamais oisive. Mais pendant que Marie-Aurore lisait, prenait des notes, faisait des résumés de ses lectures ou s’occupait de musique, Sophie-Antoinette cousait, rafraîchissait quatre ou cinq fois ses chapeaux ou ses chiffons, confectionnait des merveilles avec des blondes et des rubans, fabriquait des cartonnages, savait recouvrir un meuble, cultiver un jardin, préparer un pâté, enluminer une boîte, en un mot, c’était une véritable fée par rapport au travail des mains. L’aïeule et la mère transmirent à Aurore cet amour de l’occupation et l’habituèrent dès son enfance à ne jamais rester oisive. L’aïeule lui inculqua l’habitude du travail intellectuel dont elle-même s’occupait assidûment ; la mère lui communiqua son savoir-faire dans le domaine des soins du ménage. C’est de sa mère qu’elle tenait son aptitude à « tout faire », à cuisiner, à recouvrir un meuble, à confectionner des robes de maison et des costumes fantastiques pour le théâtre, en un mot, cette étonnante adresse des mains dont George Sand fit preuve à toutes les époques de sa vie. Bien plus tard, en 1834, dans une lettre de Venise à son frère naturel Châtiron, George Sand exprime toute sa gratitude envers sa mère et sa grand’mère — envers cette dernière surtout, — qui lui avaient fait contracter, dès l’enfance, l’habitude du travail, habitude à laquelle elle attribuait son aptitude à travailler d’arrache-pied de sept à treize heures par jour. Qu’on se rappelle l’étonnement que provoqua la lecture de Lélia chez les amis de La Châtre qui connaissaient Aurore Dudevant comme une couturière adroite, une ménagère émérite, sachant faire d’excellentes confitures, et qui ne se doutaient