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chinoise, selon La mode. Voici ce que George Sand raconte sur cette coiffure : « C’était bien la plus affreuse coiffure que l’on pût imaginer, elle a certainement été inventée pour les figures qui n’ont pas de front. On vous rebroussait les cheveux en les peignant à contre-poil jusqu’à ce qu’ils eussent pris une direction perpendiculaire, et alors on en tortillait le fouet juste au sommet du crâne de manière à faire de la tête une boule allongée, surmontée d’une autre petite houle de cheveux. On ressemblait ainsi à une brioche ou à une gourde de pèlerin. Ajoutez à cette laideur le supplice d’avoir les cheveux plantés à contre-poil, il fallait huit jours d’atroces douleurs et d’insomnie avant qu’ils eussent pris le pli forcé, et on les serrait si bien avec un cordon pour les y contraindre qu’on avait la peau du front tirée et le coin des yeux relevé comme les figures d’éventails chinois. » (Histoire de ma Vie, t. II, p. 294-95.) La grand’mère assistait avec dégoût à ces affreuses expériences ; quant à la fillette, cette coiffure lui faisait mal et la gênait, mais elle adorait sa mère et elle eût supporté pour elle toutes les incommodités et toutes les tortures. Sophie ne soupçonnait nullement combien était déraisonnable son engouement pour la mode.

Cette futilité se montrait en toute chose chez Sophie, qui ne comprenait pas les exigences les plus naturelles d’une éducation raisonnable. La vieille Mme  Dupin, qui était beaucoup plus délicate et plus réfléchie, préférait en ces moments-là, ne pas discuter avec sa belle-fille qui n’aurait rien compris à ses objections et que, de son côté, elle ne comprenait pas du tout. C’était deux natures toutes différentes. Ce fut alors que l’on put entrevoir la désastreuse influence que la mort prématurée de son père allait avoir sur la vie d’Aurore.