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poussière, et s’installa dans le palais abandonné de Godoy, prince de la Paix (Godoy, principe de la Paz). Ce palais avait été réservé à Murat et à son état-major. Inutile de souligner ici les profondes impressions que rapporta de ce voyage la nature impressionnable de la petite rêveuse de quatre ans, qui avait déjà trouvé, entre quatre chaises, matière à des rêveries fantastiques. Un peu plus tard, un autre enfant presque du même âge, un autre grand poète de la France, faisait avec sa mère le même voyage de Paris à Madrid pour rejoindre son père qui occupait le palais Masserano abandonné aussi par les Espagnols. Les impressions que produisit l’Espagne sur le petit Victor Hugo furent si fortes, que bien des années après, elles se reflétèrent dans ses poésies et drames espagnols, en leur prêtant un éclat tout particulier, ce cachet de grandeur, de force, de passion, d’austérité, dont tout est empreint en Espagne : nature, hommes et sentiments. Quelquefois même, les impressions qui lui étaient restées d’Espagne, lui servirent de modèle dans les meilleures scènes qu’il nous a données. Il est hors de doute que la galerie des vieux portraits du palais Masserano[1] qui avait si fortement frappé l’imagination de Victor Hugo enfant, ressuscita bien des années après dans l’admirable scène des portraits de son Hernani. George Sand n’a écrit aucune œuvre purement espagnole ; elle était en outre plus jeune que Hugo à l’époque où elle traversa les sombres gorges des Pyrénées, l’aride Castille brûlée par le soleil, couverte d’agaves, de cactus, dévastée par la guerre, et, lorsqu’elle errait dans les salles grandioses et vides d’un palais autrefois splendide, mais alors abandonné. Les pas de l’enfant éveillaient des

  1. Voir : Victor Hugo par un témoin de sa vie.