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crets (218). Les dénonciations augmentaient journellement, et Godounoff craignait, par la cruauté, de hâter l’instant de la trahison générale. Il était encore Souverain absolu, mais il sentait le pouvoir engourdi dans sa main, et du haut du trône, environné encore d’esclaves flatteurs, il voyait le précipice ouvert sous ses pieds. Le Conseil et la Cour ne changeaient point en apparence. Dans le premier, les affaires marchaient comme à l’ordinaire, et la seconde brillait de magnificence comme par le passé. Tous les cœurs étaient fermés : les uns cachaient leur terreur, les autres leur secrète joie ; et Godounoff devait le plus se contraindre, afin de ne point offrir un présage de sa perte dans l’abattement de son âme ; peut-être ne dévoilait-il ses sentimens véritables qu’à sa fidèle épouse : il lui découvrait les plaies sanglantes et profondes de son cœur, qu’il soulageait auprès d’elle, par de libres gémissemens : mais il n’avait point la plus pure des consolations ; il ne pouvait s’abandonner à la Sainte Providence, n’ayant jamais sacrifié que sur l’autel de l’ambition. Il voulait encore jouir du fruit de l’assassinat de Dmitri, et il