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déjà plus la paix de l’âme ; déjà il sentait que si l’on peut parvenir à la grandeur par le chemin du crime, cette grandeur suprême et le bonheur ne sont pas la même chose.

Cette secrète inquiétude qui suit partout le criminel, se manifesta dans le Tsar, par le malheureux effet des soupçons qui agitaient son âme, et qui bientôt troublèrent la Russie entière. Nous avons vu que déjà, au moment où il portait la main sur la couronne de Monomaque, il craignait des complots secrets, rêvait le poison et les sortiléges ; car il lui était naturel de penser que d’autres, semblables à lui, pouvaient nourrir la même soif du pouvoir suprême, concevoir le même artifice et montrer la même audace.

Ayant indiscrètement dévoilé ses craintes, en exigeant des Russes un serment honteux ; Boris ne s’y fiait point, il voulait être lui-même en garde contre la Nation, tout voir, tout entendre, et prévenir aussi toutes tentatives criminelles. Il rétablit l’affreux système des délations, qui existait du temps d’Ivan, et livra ainsi le sort des Citoyens, des Nobles