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les marques distinctives des humains par rapport à d’autres êtres raisonnables possibles) qu’il nous est inné, mais toujours en reconnaissant humblement que (si l’homme est mauvais, tout comme s’il est bon) la nature ne doit ni en porter la faute, ni en recueillir le mérite, et que le caractère est l’œuvre propre de chacun. Or le principe ultime de l’adoption de nos maximes, devant lui-même avoir, en fin de compte, le libre arbitre pour demeure, ne saurait être un fait qui puisse être donné dans l’expérience ; et par conséquent le bien ou le mal dans l’homme (à titre de principes subjectifs premiers de l’adoption de telle ou de telle maxime par rapport à la loi morale) sont dits innés simplement en ce sens qu’ils sont foncièrement posés dans l’homme antérieurement à tout usage de la liberté dans le champ de l’expérience (en remontant aux toutes premières années et même jusqu’à la naissance) et qu’on les représente ainsi comme étant dans l’homme dès sa naissance, sans que pour cela la naissance en soit la cause.

Remarque.

Le conflit des deux hypothèses sus-énoncées repose sur la proposition disjonctive suivante : l’homme est (de sa nature) ou moralement bon ou moralement mauvais. Mais l'idée vient naturellement a chacun de demander si cette disjonction est bien exacte, et si l’on ne peut pas soutenir une de ces deux autres thèses : ou que l’homme, de sa nature, n’est ni bon ni mauvais, ou qu’il est bon et mauvais tout ensemble, c’est-à-dire bon par certains côtés, mauvais par d’autres. L’expérience semble même confirmer ce moyen terme entre les deux extrêmes.

Or, il se trouve que la théorie des mœurs, d’une manière générale, a tout intérêt à n’admettre, tant que cela lui est possible, aucun milieu dans les choses morales, qu’il s’agisse des actes (adiaphora) ou des caractères humains ; parce