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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

moins, qui puisse déterminer l’idée de Dieu, comme législateur moral, nous conduisant par suite à une foi religieuse pure non seulement compréhensible à tous, mais encore honorable au suprême degré ; elle y conduit, du reste, si naturellement que, l’on peut en faire l’expérience, en interrogeant un homme quelconque, qui n’en aura jamais été instruit, on pourra trouver qu’il possède cette foi entière et complète. Non seulement, c’est donc un acte de prudence que de partir de cette connaissance et de mettre après elle la croyance historique qui se trouvera d’accord avec elle, mais encore c’est un devoir que de la présenter comme la condition suprême nous permettant seule l’espoir de participer au salut, quelles que soient les promesses d’une foi historique, et cela, de telle manière que, seule, l’interprétation que la foi religieuse pure nous donnera de la foi historique nous autorisera à lui attribuer une valeur d’obligation générale (puisque la doctrine qu’elle contient se trouve universellement valable), tandis que le croyant qui a la foi morale peut encore adopter la croyance historique, si elle lui parait apte à vivifier ses sentiments de religion pure, auquel cas seulement cette foi historique acquiert une valeur morale pure, attendu qu’elle est libre et qu’aucune menace ne vient nous l’arracher (ce qui l’empêcherait toujours d’être sincère).

Mais étant donné que le culte rendu à Dieu dans une Église a surtout pour objet l’adoration morale pure de cet Être divin conformément aux lois prescrites à l’humanité tout entière, on peut se demander encore si c’est toujours la doctrine de la piété ou bien la théorie pure de la vertu qui doivent seules, et chacune séparément, constituer le contenu de l’exposition de la religion. Par la première dénomination : doctrine de la piété, le sens du mot religio (tel qu’on le comprend aujourd’hui) est peut-être mieux exprimé dans l’acceptation objective.

La piété suppose deux déterminations de l’intention