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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

suite, il ne prendra jamais le ton décidé du naturaliste et ne contestera ni la possibilité intrinsèque d’une révélation quelconque, ni la nécessité d’une révélation comme moyen divin servant à introduire la religion véritable. Ainsi, le différend portera seulement sur les prétentions réciproques du pur rationaliste et du supranaturaliste dans les choses de la croyance, c’est-à-dire ne concernera que ce que l’un ou l’autre tient pour nécessaire et pour suffisant en vue de l’unique religion vraie, ou ce qu’il admet en elle de contingent.

Si l’on envisage la religion, non plus d’après sa première origine et sa possibilité intrinsèque (qui la font diviser en naturelle et révélée), mais simplement d’après ce qui la rend apte à se communiquer extérieurement, on peut en trouver deux espèces : la religion naturelle, à laquelle chacun (aussitôt qu’elle existe) peut arriver par sa propre raison, et une religion savante, où il est impossible d’amener les autres autrement que par l’intermédiaire de la science (dans et par laquelle il faut les guider). — Cette distinction est très importante ; car on ne saurait nullement conclure de l’origine seule d’une religion au pouvoir qu’elle a ou n’a pas d’être une religion humaine universelle, tandis qu’on le peut de sa qualité d’être ou de ne pas être communicable à tous ; et l’universalité constitue le caractère essentiel d’une religion qui veut embrasser tous les hommes.

Il se peut ainsi qu’une religion soit naturelle et en même temps révélée, quand elle est telle que les hommes, par le simple usage de leur raison, eussent pu et dû y arriver d’eux-mêmes, quoique moins de bonne heure et en moins grand nombre qu’on ne le souhaite, ce qui peut avoir fait de sa révélation, à un certain moment et dans un certain lieu, une chose sage et très profitable à l’espèce humaine, mais à la condition qu’une fois ainsi introduite, du moment qu’elle existe et s’est fait connaître publiquement, il soit possible à n’importe quel homme d’obtenir par lui-même