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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

ministres de l’Église, tandis que le reste des hommes, collectivité soumise à leurs lois, constitue la communauté.

Une religion fondée sur la raison pure n’admet, en tant que foi publique religieuse, que la simple idée d’une Église (celle d’une Église invisible), et seule l’Église visible, qui est fondée sur des statuts, doit et peut recevoir des hommes une organisation ; par conséquent, servir sous les ordres du bon principe dans la religion de la raison pure ne pourra pas être considéré comme s’acquitter d’un culte ecclésiastique, et cette religion n’a pas de ministres légaux en tant que fonctionnaires d’une république morale ; chaque membre y reçoit directement les ordres du souverain législateur. Mais comme toutefois, eu égard à tous nos devoirs (qu’il nous faut aussi regarder à titre de commandements divins) nous sommes constamment au service de Dieu, la religion de la raison pure aura tous les hommes bien pensants pour ministres (sans les avoir pour fonctionnaires) ; on ne pourra point, pour cela, les appeler ministres d’une Église (s’entend d’une Église visible, la seule qui soit en question ici). — Cependant, puisque toute Église basée sur des lois statutaires ne peut être l’Église vraie qu’autant qu’il y a en elle un principe qui la rapproche constamment de la foi rationnelle pure (celle qui, lorsqu’elle est pratique, constitue à vrai dire la religion dans toute croyance) et arrive à pouvoir la faire se passer de la foi ecclésiastique (de tout ce qu’il y a d’historique dans cette foi) ; nous pourrons, malgré tout, dire que ces lois et les officiers de l’Église fondée sur elles ont en vue un service (un culte) de l’Église, si les enseignements des ministres de cette Église et les dispositions qu’ils prennent visent constamment à ce but suprême (à une foi religieuse publique). Par contre, quand on voit les ministres d’une Église ne faire aucun cas de ce but, déclarer plutôt condamnable la maxime qui pousse à s’en rapprocher continuellement et proclamer que l’attachement à ce qu’il y a d’historique et de statutaire