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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

bles de révélation. Tel est le mystère qui nous occupe, dans lequel on peut distinguer trois autres mystères que nous révèle à nous-mêmes notre raison.

1. Le mystère de la vocation (des hommes, qui les veut citoyens d’un État moral). ― Le seul moyen pour nous de concevoir la soumission universelle et inconditionnée de l’homme à la législation divine, c’est de nous regarder en même temps comme des créatures de Dieu ; Dieu ne peut de même être regardé comme l’auteur de toutes les lois physiques que parce qu’il est le créateur de toutes choses. Mais notre raison est absolument incapable de concevoir comment des êtres ont pu être créés avec le libre usage de leurs forces ; car le principe de causalité ne nous permet d’attribuer à un être que nous supposons fabriqué, comme fondement interne de ses actions, que celui qu’y a mis sa cause efficiente, lequel par conséquent doit déterminer tous ses actes, et cet être (ainsi dirigé par une cause extérieure) ne serait plus conséquemment libre lui-même. Ainsi la divine législation, la législation sainte et qui, par conséquent s’applique à des êtres libres, et à eux seuls, ne saurait se concilier avec l’idée d’une création de ces êtres aux yeux de notre raison d’hommes, mais il nous faut d’emblée considérer ces êtres comme des êtres libres et doués d’existence, et admettre que ce n’est pas le penchant naturel, qu’ils devraient à leur création, mais bien une contrainte uniquement morale et compatible avec les lois de la liberté, c’est-à-dire une vocation, qui les détermine à se faire citoyens de l’État divin. Ainsi la vocation, relativement à ce but, est tout à fait claire moralement, bien que pour la spéculation, la possibilité d’être ainsi appelés reste un mystère impénétrable.

2. Le mystère de la satisfaction. Tel que nous le connaissons, l’homme est corrompu et bien incapable de se conformer de lui-même à cette loi sainte. Pourtant, quand la bonté de Dieu l’a, pour ainsi dire, appelé à être, c’est-à-