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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

Judaïsme, au lieu d’être une époque du développement de l’Église universelle ou d’avoir lui-même, en son temps, constitué l’Église universelle, excluait au contraire de sa communauté toute l’espèce humaine, se considérant comme un peuple particulièrement élu de Jéhovah et ennemi de tous les autres peuples, par suite en butte aux hostilités de Chacun. Au reste, il ne faut point surfaire l’honneur qui revient à ce peuple de s’être donné pour souverain maître un Dieu unique qu’aucune image visible ne saurait représenter. Car la doctrine religieuse de la plupart des autres peuples se trouve avoir le même objet (darauf gleichfalls hinausging) et ne devient suspecte de polythéisme que par la vénération de certaines puissances divines, dieux secondaires subordonnés à ce Maître absolu. En effet, un Dieu qui veut simplement l’obéissance à des commandements qui ne requièrent point une amélioration de l’intention morale, n’est pas à proprement parler l’Être moral dont le concept est nécessaire pour une religion. Cette religion se trouve-rait plutôt dans une croyance à de nombreux êtres invisibles et puissants, — en admettant qu’un peuple les conçût de telle manière que, malgré la diversité de leurs départements, ils s’accordent tous cependant à ne placer leur complaisance qu’en ceux qui s’attachent de tout leur cœur à la vertu, — que dans la croyance à un Être unique, mais qui ferait du culte mécanique la principale affaire.

Nous ne pouvons donc faire commencer l’histoire universelle de l’Église, en tant qu’elle doit former un système, qu’à l’origine du Christianisme lequel, étant un abandon complet du Judaïsme où il a pris naissance, et se fondant sur un principe entièrement nouveau, effectua dans les croyances une révolution totale. La peine que se donnent les docteurs du Christianisme, ou celle qu’ils ont pu se donner au début, pour établir un lien entre ces deux croyances, en déclarant que la nouvelle foi est simplement la suite de l’ancienne qui contenait, sous forme de symboles, tous les