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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

treprendre une vie nouvelle, qui dans ce cas serait la conséquence de son union avec le principe du bien [sur quoi veut-il fonder son espérance de devenir un homme agréable à Dieu] ? ― Par conséquent, la foi à un mérite qui n’est pas le sien propre et par lequel il est réconcilié avec Dieu, doit précéder en lui toute aspiration à de bonnes œuvres ; ce qui est en contradiction avec la proposition précédente. Nous ne saurions aplanir ce conflit par la vue de la détermination causale de la liberté des êtres humains, c’est-à-dire par la vue des causes qui font qu’un homme devient bon ou mauvais, autrement dit spéculativement (theoretisch) ; car c’est une question qui dépasse tout le pouvoir de spéculation de notre raison. Mais pour la pratique, où l’on se demande non ce qui est physiquement premier, mais ce qui l’est moralement pour l’usage du libre arbitre, c’est-à-dire où l’on veut savoir si nous devons partir de la foi à ce que Dieu a fait en notre faveur, ou bien de ce que nous avons à faire pour devenir dignes de ses bienfaits (de quelque nature qu’ils soient), la réponse n’est pas douteuse : c’est de notre devoir que nous devons partir.

En effet, la première condition de la sanctification, c’est-à-dire la foi à une satisfaction par procurateur, ne nous est nécessaire que pour le concept théorique ; nous ne pouvons pas autrement nous rendre concevable l’effacement de nos péchés. La nécessité du second principe est pratique au contraire et purement morale ; à coup sûr l’unique moyen qui puisse nous faire espérer de nous approprier les mérites d’une satisfaction étrangère et de devenir de la sorte participants de la béatitude est de nous en rendre dignes (uns dazu… qualifizieren) par nos efforts dans l’accomplissement de tous les devoirs humains, accomplissement qui doit être l’œuvre de notre propre application et ne pas consister lui-même en une influence étrangère où nous demeurerions passifs. Puisque, en effet, c’est là un commandement inconditionné, il est aussi nécessaire que l’homme en fasse, à titre