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AVANT-PROPOS

Après avoir ainsi « déblayé le terrain » et esquissé le plan du « majestueux édifice » qu’on pourra construire sur un sol ferme, Kant aborde résolument, dans la Critique de la Raison pratique, le développement « des considérations » morales et métaphysiques qui sont en fait la véritable « gloire de la philosophie (1)[1]. » Dès qu’il se demande : « Que dois-je faire ? », l’homme voit aussitôt s’offrir à lui la loi morale, dont la conscience est immédiate, et la moralité, sans intermédiaires, le mène au concept de la liberté : Nous nous reconnaissons libres par le fait même que nous jugeons pouvoir accomplir le devoir. Ce concept de la liberté sert de clef de voûte à tout le système ; c’est de lui que part la morale et c’est encore lui qu’on trouve à l’origine comme au terme de la science, bien qu’il soit pour elle incompréhensible. C’est que Liberté et Raison sont une seule et même chose qui a besoin, pour être saisie avec netteté, de se montrer à l’état pur, dégagée du monde des phénomènes. La liberté suppose deux choses, en effet, une indépendance complète à l’égard de tout ce qui n’est pas elle et le pouvoir de se gouverner par ses propres lois. Dans la connaissance physique, la raison ne peut pas être absolument libre ; sans doute, elle a des principes qui lui sont propres, mais elle les applique aux données des sens dont elle est esclave et qui l’asservissent au mécanisme. Dans l’ordre moral, au contraire, la raison se trouve à la fois indépendante et autonome : elle ne collabore plus avec des données étrangères, elle crée à la fois sa forme et sa matière, elle est véritablement Raison pure. — La loi morale ainsi postule, d’après Kant, la liberté d’une cause efficiente et nous fait placer dans la raison pure le principe déterminant de l’homme en tant qu’être sensible (2)[2]. Le devoir a son origine dans « la personnalité », c’est-à-dire

  1. (1) Critique de la Raison pure, p. 307.
  2. (2) Critique de la Raison pratique, trad. Picavet, p. 84.