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PÉDAGOGIE.


pas été sages, les conduit parfois dans les champs, et là les laisse courir, jouer et prendre tous leurs ébats, comme il convient à leur âge.

On croit exercer la patience des enfants en leur faisant longtemps attendre quelque chose. Cela ne devrait pourtant pas être nécessaire. Mais ils ont besoin de patience dans les maladies, etc. La patience est double. Elle consiste, ou bien à renoncer à toute espérance, ou bien à prendre un nouveau courage. La première espèce de patience n’est pas nécessaire, quand on ne désire jamais que le possible ; et l’on peut toujours avoir la seconde, quand on ne désire que ce qui est juste. Mais dans les maladies la perte de l’espérance est aussi funeste que le courage est favorable au rétablissement de la santé. Celui qui est capable d’en montrer encore au sujet de son état physique ou moral, ne renonce pas à l’espérance.

Il ne faut pas non plus rendre les enfants timides. Cela arrive principalement lorsqu’on leur adresse des paroles injurieuses et qu’on les humilie souvent. C’est ici surtout qu’il faut blâmer ces paroles que beaucoup de parents adressent à leurs enfants : Fi, n’as-tu pas de honte ! On ne voit pas de quoi les enfants pourraient avoir honte, quand, par exemple, ils mettent leur doigt dans leur bouche, etc. On peut leur dire que ce n’est pas l’usage, mais on ne doit jamais leur faire honte que dans le cas où ils mentent. La nature a donné à l’homme la rougeur de la honte[1], afin qu’il se trahit lorsqu’il ment. Si donc les parents ne parlaient jamais de honte à leurs enfants que lorsqu’ils mentent, ils conserveraient tout le temps de leur vie cette rougeur à l’endroit du mensonge. Mais si on les fait rougir sans cesse, on leur donnera ainsi une timidité qui ne les quittera plus.

Il ne faut pas, comme on l’a déjà dit plus haut, briser la volonté des enfants, mais seulement la diriger de telle sorte qu’elle sache céder aux obstacles naturels. L’enfant doit d’abord obéir aveuglement. Il n’est pas naturel qu’il commande par ses cris, et que le fort obéisse au faible. On ne doit donc jamais céder aux cris des enfants, même dans leur première jeunesse, et leur laisser ce moyen d’obtenir ce qu’ils veulent.

  1. Schamhaftigkeit.