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DOCTRINE DE LA VERTU


traire à sa matière, à la fin, qui est toujours le bonheur des hommes. — En effet, à voir le nombre éternellement immense des coupables qui étendent sans cesse le compte de leurs crimes, la justice pénale placerait le but de la création, non dans l’amour du Créateur (comme il faut le concevoir), mais dans la stricte observation du droit (elle ferait du droit même le but qui constitue la gloire de Dieu). Or, comme le droit (ou la justice) n’est que la condition restrictive de l’amour (ou de la bonté), cela semble en contradiction avec les principes de la raison pratique, d’après lesquels n’aurait pas dû avoir lieu la création d’un monde amenant un résultat si opposé au dessein de son auteur, qui ne peut avoir pour principe que l’amour.

xxOn voit par là que dans l’Éthique, comme philosophie pure, fondée sur la législation intérieure, les rapports moraux de l’homme avec l’homme sont les seuls qui soient compréhensibles pour nous ; mais que, pour ce qui regarde le rapport de Dieu et de l’homme, il est tout à fait en dehors des limites de notre nature et nous est absolument incompréhensible. Par où se trouve confirmé ce qui avait été avancé plus haut, à savoir que l’Éthique ne peut s’étendre au delà des bornes des devoirs de l’homme envers lui-même et envers les autres hommes.