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DEVOIRS ENVERS LES AUTRES HOMMES.


C.
la raillerie[1].
§ 44.


La manie de blâmer à tort et à travers[2] et le penchant à tourner les autres en ridicule, ou l’humeur moqueuse[3], qui consiste à se faire des fautes d’autrui un objet immédiat de divertissement, sont de la méchanceté, et il faut bien les distinguer de la plaisanterie[4], ou de cette familiarité, qui consiste à rire entre amis (mais non d’une manière offensante[5]) de certaines particularités qui ne sont des fautes qu’en apparence, mais qui dans le fait dénotent une supériorité d’esprit, ou qui n’ont parfois d’autre tort que celui d’être en dehors des règles de la mode. Mais le penchant à tourner en ridicule des fautes réelles, ou des fautes imaginaires qu’on présente comme réelles, afin d’enlever à une personne le respect qu’elle mérite, ce qu’on nomme enfin l’esprit caustique[6] (spiritus causticus), annonce un plaisir qui a en soi quelque chose de diabolique, et c’est par conséquent une très-grave violation du devoir de respect envers les autres hommes.

Il faut encore distinguer de ce vice cette manière plaisante, mais railleuse, de renvoyer avec mépris à un adversaire des attaques offensantes (retorsio jocosa), qui fait que le moqueur (ou en général un adversaire méchant, mais faible) est moqué à son tour, et

  1. Die Verhöhnung.
  2. Die leichtfertige Tadelsucht.
  3. Spottsucht.
  4. Scherz.
  5. Welches dann kein Hohnlachen ist.
  6. Die bittere Spottsucht.